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pont Salazar - pont du 25 avril

Dans un renfoncement de l'architecture, dans lequel une seule personne peut rentrer à l'étroit, nous avons diffusé le bruit ambiant que l'on entend lorsqu'on se trouve sous le pont du 25 avril de Lisbonne. Ce son de trafic (flux de véhicules sur un pont métallique, au-dessus de l'eau) a une certaine ambiguïté : un 'bruit' proche du silence, bien qu'assourdissant, parce que sans information ; il est continu, permanent, mais la perception que l'on en a oscille entre une sorte de bourdonnement envahissant, et des moments où l'on croit distinguer des voix lointaines et profondes – choeurs antiques ou requiem de marins. Dans l'espace de la salle le son est diffus et peut évoquer un essaim de guêpes, comme une menace sourde ; quand on entre dans la cavité on sent comme une oppression les vibrations du son dans la poitrine. Face à un support antivibratoire pour micro, on sent sa voix coupée renforçant l'impression d'entendre des chœurs – comme une plainte de ceux qui n'ont pas la place de s'exprimer, qui n'écrivent pas l'histoire. Monument de la ville, ce pont est lié au pouvoir politique et à son renversement : baptisé du nom de Salazar à son origine, il a été renommé pont du 25 avril après la révolution des œillets. A l'entrée du renfoncement nous avons accroché une pièce de 2 euros commémorative du pont du 25 avril, et à l'intérieur dans le support pour microphone une pièce frappée sous le régime de Salazar représentant ce même pont nommé à l'époque 'pont Salazar'. Les deux pièces font ici figure de titre (pont Salazar - pont du 25 avril) et spatialise le basculement de pouvoir rendu perceptible par une légère modification de la perception d'un même environnement, comme une lourdeur, accompagnée d'une restriction de l'amplitude physique, lorsqu'on se rapproche de la référence au régime autoritaire.

Ce pont rouge de Lisbonne est aussi une structure emblématique similaire à celui de San Francisco, commun à ces deux villes détruites par un tremblement de terre (contrairement au Japon, la population de ces deux villes est peu habituée à l'activité tectonique et se persuade que le prochain séisme n'arrivera pas de leur vivant). Comme les architectures parasismiques, les ponts ont toujours représenté un défi car ils doivent être conçus pour résister à d'importantes vibrations. Il devient ici figure des remous et turbulences de l'histoire.

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